Résumé :
La politique forestière mobilise de manière croissante la filière forêt-bois pour contribuer à des objectifs d’ordre environnemental, et la modélisation est souvent utilisée comme moyen d’interroger le futur. Cette thèse explore la capacité des modèles de secteur forestier (MSF), des modèles de simulation bio-économiques, à accompagner cette transition.
Sur le plan conceptuel, nous explorons la littérature à l’origine des MSF ainsi que celle sur l’épistémologie des modèles économiques. Nous montrons que la politique forestière a été un déterminant fort des pratiques de recherche, influençant les représentations du secteur dans les modèles et les discours mobilisés pour conduire les simulations. Nous illustrons également l’influence d’autres facteurs: la nature des faits forestiers, l[...]
La politique forestière mobilise de manière croissante la filière forêt-bois pour contribuer à des objectifs d’ordre environnemental, et la modélisation est souvent utilisée comme moyen d’interroger le futur. Cette thèse explore la capacité des modèles de secteur forestier (MSF), des modèles de simulation bio-économiques, à accompagner cette transition.
Sur le plan conceptuel, nous explorons la littérature à l’origine des MSF ainsi que celle sur l’épistémologie des modèles économiques. Nous montrons que la politique forestière a été un déterminant fort des pratiques de recherche, influençant les représentations du secteur dans les modèles et les discours mobilisés pour conduire les simulations. Nous illustrons également l’influence d’autres facteurs: la nature des faits forestiers, le contexte local, la disponibilité de données et les pratiques passées. Nous nous intéressons ensuite aux évolutions récentes et montrons qu’alors que la production et le commerce du bois constituent les thématiques de recherche d’origine, les enjeux environnementaux tels que la production d’énergie renouvelable ou la protection des habitats sont aujourd’hui centraux. Leur intégration reste cependant inégale, et ils sont d’autant plus traités qu’ils se rapprochent des sujets originels. A l’inverse, en raison de la difficulté d’estimer une valeur économique ou de la formulation d’outils à une échelle inadaptée, la modélisation de certains services culturels et de régulation est plus difficile et superficielle.
Nous menons ensuite deux cas d’étude portant sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique et sur le secteur forestier Français, où la diversité des contextes locaux justifie de s’intéresser en détail à l’amont de la filière. Nous utilisons le French Forest Sector Model (FFSM) et cherchons à mettre en œuvre deux leviers méthodologiques susceptibles d’améliorer la prise en compte d’enjeux environnementaux: le couplage de modèles et la considération de l’hétérogénéité des conditions environnementales.
Le FFSM est d’abord utilisé avec un modèle de rotations optimales incluant les aménités autres que le bois afin d’étudier les implications d’une gestion cherchant à séquestrer du carbone. Nous montrons que, sur le court terme, la séquestration est principalement améliorée en repoussant les récoltes. Sur le long terme, des bénéfices supplémentaires sont attendus en faisant évoluer la composition et la structure de la forêt, amenant à des paysages forestiers plus variés. Ces tendances présentent cependant une forte hétérogénéité spatiale entre et au sein des régions, soulignant l’importance de considérer le contexte local.
Le carbone in situ est cependant exposé à des risques de non-permanence. Nous évaluons les conséquences pour la filière forêt-bois de l’évolution des régimes de feux en contexte de changement climatique et les implications pour les projections des incertitudes liées à cette évolution. Nous utilisons un modèle probabiliste d’activité des feux que nous couplons au FFSM, et réalisons de multiples simulations pour plusieurs niveaux de forçage radiatif et modèles climatiques. Bien que localement importants, l’impact des feux reste limité à l’échelle de la filière. Ces derniers touchent une faible proportion de la ressource chaque année mais d’une manière cumulative, et leurs conséquences projetées sont particulièrement visibles dans la deuxième moitié du 21e siècle. Les variations interannuelles de l’activité des feux se propagent peu aux dynamiques de filière, et l’incertitude dans les projections provient principalement du choix du modèle et des scénarios climatiques. L’incertitude due à la stochasticité du phénomène de feux ne prédomine jamais mais représente une part significative de l’incertitude totale. Ces résultats soulignent l’importance de considérer de multiples scénarios ainsi que la variabilité inhérente aux processus écologiques dans la prospective utilisant des modèles bio-économiques à grande échelle.
Forest policy increasingly mobilizes the forest sector to address environmental concerns. Owing to the forest sector’s complexity and time scales involved, simulation models are often used as research methods to explore the future. This thesis investigates the contributions of Forest Sector Models (FSM), bio-economic simulation models commonly used for prospective analysis, to this transition.
We first adopt a conceptual perspective and, through a parallel exploration of the early literature in forest economics and the epistemology of model use, we show that forest policy has been, and still is, a strong driver of FSM research, influencing representation processes in models as well as narratives used to drive research. We also highlight that the nature of facts within the forest sector, the local context, data availability and past practices are other important determinants of model-based research. We subsequently review more recent literature to assess the extent to which environmental issues have been addressed. While originally focused on timber production and trade, a majority of the research now focuses on goals such as renewable energy production or the conservation of biodiversity. The treatment of such objectives has however been unequal, and those closer to the models’ original target are treated more often and more deeply. On the contrary, modelling is hindered when economic values are hard to estimate or when models cannot handle spatialized data, hence objectives related to cultural and some regulation services are less commonly studied.
The remainder of the thesis addresses two aspects of climate change, namely mitigation and adaptation, and brings methodological contributions by leveraging two ways of overcoming obstacles to the investigation of environmental objectives with large-scale bio-economic models: model couplings and the consideration of local environmental conditions. Both chapters focus on France, where the diversity of local contexts makes analyses focused on the upstream forest sector relevant, and use the French Forest Sector Model (FFSM).
First, using the FFSM and Hartman’s model for optimal rotations with non-timber amenities, we investigate consequences for forestry and landscapes of management practices aiming at both producing timber and sequestering carbon. We show that, while postponing harvests can increase carbon stocks in the short-term, changes in management regimes and species choice yield additional benefits in the long-term. Over time, these changes lead to more diverse forest landscapes in terms of composition and structure, with potential implications for policy and environmental co-benefits. However, trends show a high level of spatial variability across and within regions, highlighting the importance of considering the local context.
In-situ carbon stocks are however exposed to risks of non-permanence. We assess implications for the forest sector of climate-induced changes in wildfire regimes, as well as implications for model projections of uncertainties related to these changes. To do so, we use a probabilistic model of wildfire activity, which we couple to the FFSM, and we carry out multiple simulations using various radiative forcing levels and different climate models. Although locally significant, wildfires’ impacts remain limited at the sectoral scale. Fires affect a limited amount of the resource every year but in a cumulative manner, and the influence of climate change is mostly witnessed in the latter half of the century. Inter-annual fluctuations in fire activity only marginally propagate to the forest sector, and most uncertainty comes from the choice of climate models and scenarios. Stochasticity in the fire process, although never predominant, accounts for a significant share of uncertainty. These results stress the importance of considering multiple possible outcomes and the inherent variability in environmental processes in large-scale model projections.
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